Laurent Mucchielli : Parution du tome 2 de “La Doxa du Covid”

Laurent Mucchielli nous annonce la sortie du tome 2 de la Doxa du Covid.

Livre intitulé:

Enquête sur la gestion politico-sanitaire de la crise

Il s’agit d’un livre collectif réunissant 30 auteurs.
Une présentation sommaire se trouve sur le site de l’éditeur.
Le livre est disponible en format papier et en format électronique.
Ce livre (comme le tome 1) est d’ores et déjà disponible sur commande dans toutes les librairies et en vente directe sur tous les sites internet dédiés.
Les demandes de service de presse sont à adresser à Mme Anne-Lise Herrera : anlizrra@yahoo.fr

Sortie du livre “La Doxa du Covid ” de Laurent Mucchielli

Le mot de Laurent Mucchielli à propos de ce livre :

J’ai le très grand plaisir de vous annoncer la parution de mon livre La Doxa du Covid aux éditions Éoliennes.
La page de présentation sur le site de l’éditeur est ici : http://www.editionseoliennes.fr/livre-166-la-doxa-du-covid

Il s’agit du tome 1 d’un livre en deux volumes. Le tome 2 paraîtra début mars, sous forme d’un gros livre collectif contenant les meilleurs épisodes de la série initiée en mars 2020.

La diffusion de ce livre veut privilégier les ventes en librairies, afin de soutenir les libraires. Pour obtenir le livre, merci donc de vous rendre dans votre librairie préférée pour le commander.
Cela contribuera du coup à attirer l’attention des libraires sur ce livre. Ces derniers commanderont alors le livre chez le distributeur (Pollen).

L’éditeur ne fait pas de vente en direct sauf le cas d’achats groupés (exonération des frais de port à partir de 3 exemplaires achetés).

Éditions Éoliennes – 9, descente des Chartreux – 20200 Bastia –  Tél. 04 95 31 74 66 – Mail : xddc@orange.fr

Enfin, le livre est également commercialisé en format électronique (e-book, e-pup, kindle, etc.) sur tous les sites de vente en ligne.

Pour le service de presse, contacter l’éditeur.
Pour les demandes d’organisations de signatures, conférences-débats, etc., me contacter.

Merci pour votre attention et pardon d’avance pour les éventuels doublons.

Amicalement
Laurent Mucchielli

Laurent Mucchielli “La “cinquième vague”, nouvel épisode d’un feuilleton qui n’a que trop duré”

Billet de blog 23 nov. 2021

La « cinquième vague », nouvel épisode d’un feuilleton qui n’a que trop duré

Le mauvais feuilleton sanitaire continue. La petite musique d’un nouvel épisode épidémique à venir se fait de nouveau entendre. Ce serait cette fois la « cinquième vague ». Depuis plus d’un an et demi, la population française est soumise à un flot quasi continu de mauvaises nouvelles, qui servent à justifier des mesures aux impacts psychologiques, économiques, sociaux et politiques délétères.

Laurent Mucchielli
Sociologue, directeur de recherches au CNRS (Centre Méditerranéen de Sociologie, de Science Politique et d’Histoire). https://www.lames.cnrs.fr/spip.php?article10

Épisode 67

Par Laurent TOUBIANA, chercheur à l’INSERM, directeur de l’Institut de Recherche pour la Valorisation des données de Santé (IRSAN)

* * *

Le scénario est maintenant bien rodé.
En amont, il commence par des avis de scientifiques qui, alors que tout est supposé « sous contrôle », annoncent la possibilité du retour d’une nouvelle vague épidémique.
Ces oracles sont bientôt confirmés par des données venant de pays plus ou moins lointains ; tout va bien en France, mais ailleurs c’est très grave.
Les hypothèses de nos scientifiques s’avèreraient donc exactes.
Les articles de presse pleuvent sur la panique engendrée dans ces pays et les mesures très dures en passe d’être mises en œuvre.
Ces mesures nous paraissent démesurées, mais une petite voix nous dit qu’il faut se préparer à ce que ce soit bientôt notre tour.
Enfin, Santé Publique France donne l’estocade et annonce à son tour une élévation « inquiétante de l’incidence » sans vraiment expliquer ni de quoi il s’agit exactement, ni en quoi elle est inquiétante.
Cette information est immédiatement relayée par de puissants organes médiatiques.
Elle est ensuite reprise par les autorités qui remettent en place des mesures contraignantes (masque obligatoire dans toutes les écoles et dans la rue de départements de plus en plus nombreux).
« En même temps », le porte-parole du gouvernement nous assure de ne pas nous inquiéter.
Cela inquiète encore plus car, à chaque fois qu’il ne faut pas s’inquiéter, nous pouvons être sûrs du contraire ; cela est en général confirmé quelques jours plus tard.
Le nombre d’articles publiés sur la prochaine vague augmente et prépare le terrain.
« Quelques dissidents » sont invités à s’exprimer pour faire bonne mesure car nous sommes en démocratie, juste le temps de les décrédibiliser incompétents, naïfs, inconscients, irresponsables, dangereux, complotistes.

Depuis toujours, une épidémie se caractérise essentiellement par le nombre de malades et de morts qu’elle provoque.
Ainsi, ce que l’on appelle normalement « incidence » est le nombre de nouveaux malades en une semaine rapporté à la population, lequel permet d’évaluer la dynamique d’une épidémie de maladie transmissible à évolution rapide.
L’arrivée des tests et la massification de leur utilisation dévoyée à partir d’août 2020 a permis de redéfinir l’essence même de la définition classique de l’épidémie.
Dans le cadre de l’épidémie de Covid-19, les estimations de l’incidence à destination du grand public ne se réfèrent plus aux nouveaux malades ou morts engendrés par le virus mais à des porteurs de virus qui, à plus de 80 %, ne sont pas malades et ne le seront jamais.
De fait, le nombre de porteurs de virus est beaucoup plus important que le nombre de malades ou de morts.
Il est donc fallacieux d’utiliser le même mot « incidence » pour représenter une réalité différente de la définition communément admise par les épidémiologistes, l’incidence d’une pathologie.

Pourtant, l’incidence d’une pathologie est un outil élémentaire utilisé pour le suivi de toutes les épidémies sous surveillance depuis des dizaines d’années (dont la plus emblématique est celle des syndromes grippaux). Pourquoi n’est-il pas appliqué pour l’événement épidémique du siècle ? Probablement parce que les incidences de la maladie covid-19 (et non des tests positifs) sont tellement faibles qu’elles ne peuvent être décemment invoquées pour justifier les mesures de contrôle qui apparaîtraient à l’évidence disproportionnées : confinements généralisés de la population, port du masque obligatoire dans la rue, taux de couverture vaccinale aberrant, passe sanitaire.
Si l’incidence « classique » était utilisée, les populations n’auraient plus peur et n’accepteraient pas ces mesures considérées dès lors comme extravagantes.

Fig. 1 : Évolution du taux d’incidence hebdomadaire pour 100 000 habitants de malades du Covid-19 et des décès liés au Covid-19

Source : Réseau Sentinelles, Santé Publique France, mise en forme IRSAN (cliquez ici pour visualiser et actualiser le graphique) – Champ : France métropolitaine

Note de lecture : la courbe rouge montre l’évolution hebdomadaire pour 100 000 habitants de malades du Covid-19 selon le Réseau Sentinelles (échelle à droite en rouge de 0 à 120).
En mars 2020, cette courbe montre un maximum avec 140 nouveaux malades en une semaine pour 100 000 habitants.
Lors du 4ème « pic » de cette courbe (début août 2021), l’incidence est de 31 nouveaux malades en une semaine pour 100 000 habitants.
La courbe noire montre l’évolution du nombre hebdomadaire de décès testés positifs au Covid-19 pour 100 000 habitants source Santé Publique France (échelle à droite en noir de 0 à 10).
Le point maximum est au début de la courbe avec 9,7 décès en une semaine pour 100 000 habitants début avril 2020.

Justement, quelles sont les valeurs de l’incidence du Covid-19 ? En France, sur les 90 semaines depuis le commencement de la crise du Covid-19, la plus forte incidence a été observée entre le 23 et le 29 mars 2020, au tout début de la crise (cf. fig. 1).
Lors de cette semaine paroxysmique, 140 nouveaux malades pour 100 000 habitants ont été estimés par le Réseau Sentinelles (premier réseau de surveillance de maladies transmissibles en France) ; les autres sources de médecins généralistes de terrain, dits de premier recours, sont concordantes.
Pour fixer les idées, 100 000 habitants, c’est environ la population d’une préfecture importante (Caen, Nancy, Avignon…). À titre de comparaison, le même réseau de médecins estimait dans les mêmes conditions à plus de 600 malades de syndromes grippaux en une semaine pour 100 000 habitants en moyenne lors des pics épidémiques des années antérieures depuis 20 ans.
Pourtant, connues depuis des siècles, les épidémies de grippe ont toujours été désignées comme des épidémies « banales » alors que le tableau clinique de la grippe est considéré comme touchant les individus plus durement que celui du Covid-19 dans la plupart des cas. Depuis mars 2020, aucune autre semaine n’a montré une incidence du Covid-19 supérieure.
L’amplitude des pics saisonniers de l’incidence du Covid-19, fin octobre 2020, fin mars 2021 correspondant à ce qui a été improprement appelé « vagues » n’a cessé de décroître.
Pour la dernière, dite 4ème vague, début août 2021, l’incidence du Covid-19 a atteint le chiffre dérisoire de 31 nouveaux malades en une semaine pour 100 000 habitants (cf. fig. 1).

Il en va de même pour les hospitalisations et les décès. 31 nouvelles personnes avaient été hospitalisées et 9 sont décédées pour 100 000 habitants au cours de la semaine la plus impactée en 1 an et demi de crise.

Ces chiffres sont à peine crédibles tellement ils sont faibles.
Toutefois ils sont cohérents avec ceux qui ont été publiés par l’ATIH et qui indiquent que seulement 2 % de l’activité des hôpitaux ont été consacrés au Covid-19 en 2020.
Par ailleurs, nous avons montré ici même dès le mois de mars 2021 que cette période de crise sanitaire prétendue « majeure » n’avait provoqué aucune surmortalité pour les personnes âgées de moins de 65 ans, soit 80 % de la population française, et une surmortalité de moins de 4 % pour les autres.

De nombreux articles scientifiques ont montré que, sans pouvoir limiter l’épidémie, les mesures prises ont eu de nombreux effets délétères directs et indirects sur les individus et les populations.
Ceux-ci ne font que commencer, comme la dégradation de l’état psychique, notamment chez les jeunes, la baisse du niveau scolaire ainsi que les conséquences sur la santé de la dégradation économique du pays suite à la politique du « quoi qu’il en coûte » décidée pour mettre en place le premier confinement et que les Français subissent du fait de l’augmentation de la facture énergétique.
Quant au taux de couverture vaccinale aberrant avoisinant les 90 % de la population des plus de 12 ans, les autorités l’ont imposé aux populations en usant de méthodes d’intimidation ou de culpabilisation au motif de les protéger collectivement.
Nous venons de montrer que l’impact réel en termes de morbidité et mortalité est extrêmement faible mais cela ne suffit toujours pas, ces populations ayant déjà beaucoup souffert des mesures censées les protéger, doivent encore endurer un nouvel épisode de ce feuilleton insupportable.

Tous les chiffres cités sont disponibles pour le grand public, accessibles sur Internet. Ils crèvent les yeux mais décidément, ils semblent difficiles à voir.

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Archive : la nouvelle vague …. versus Richard Anthony

Le laisser-passer sanitaire, un dispositif discriminatoire au sens de la loi

Le laisser-passer sanitaire, un dispositif discriminatoire au sens de la loi

La loi française interdit depuis 1990 toute distinction entre les personnes sur le fondement de leur état de santé.
Cette législation réprimant les discriminations a été adoptée dans le contexte de l’épidémie de SIDA.
Trente ans après, la loi du 5 août 2021 interdit l’accès à des biens, lieux et services aux personnes ne remplissant pas des critères sanitaires précis. C’est une discrimination.

 

Épisode 62

Par Clément Schouler, magistrat, membre du Syndicat de la Magistrature

* * *

Le 8 juin 2021, l’assemblée générale des Nations Unies adoptait une résolution par laquelle elle constatait avec inquiétude que, dans le monde entier, le virus continuait à avoir des effets disproportionnés sur les jeunes (1).
Elle exprimait également sa profonde préoccupation face à la stigmatisation, à la discrimination et aux lois et pratiques restrictives et discriminatoires qui visent les personnes contaminées ou exposées au risque d’infection et face aux lois qui restreignent la circulation des personnes ou leur accès aux services.
Cette résolution encourageait à œuvrer à l’élimination totale de la stigmatisation et de la discrimination des personnes contaminées ou exposées au risque d’infection, et à veiller à ce que tous les services soient conçus et fournis sans stigmatiser ni discriminer ces personnes, dans le plein respect des droits à leur vie privée, à la confidentialité de leurs données de santé et à leur consentement éclairé.

Cette résolution ne concernait évidemment pas le désormais célèbre SARS-CoV-2 (responsable de la maladie Covid-19), mais le non moins très connu (et depuis bien plus longtemps) virus dit de l’immunodéficience humaine (VIH, responsable du SIDA).

La mise en perspective des normes et des discours engendrés par ces deux virus permet de s’interroger sur les discriminations que peuvent engendrer les réactions personnelles, sociales et institutionnelles face aux épidémies causées par des germes contagieux et de considérer les règles édictées dans le but de faire face à l’épidémie de nouveau coronavirus au regard des règles prohibant la discrimination à raison de l’état de santé.

L’interdiction d’accès à certains lieux et services à raison de l’état de santé

 

Les règles relatives au laissez-passer sanitaire institué en France par la loi du 5 août 2021 subordonnent l’accès à certains lieux, établissements, services ou événements à la présentation d’un résultat négatif de test de dépistage ou d’un certificat de vaccination ou de rétablissement après contamination (2).
Ce nouveau régime improprement appelé « passe » sanitaire par le décret d’application de la loi du 5 août 2021 doit en réalité plus justement être désigné sous le vocable de « laissez-passer » sanitaire.
Un laisser-passer est en effet un titre autorisant quelqu’un à pénétrer et circuler dans un endroit déterminé, ce qui est bien différent d’un passe-partout (3).
C’est donc bien l’état de santé des personnes qui est de nature à interdire leur accès à certains lieux et services puisque ces derniers leur sont interdits si elles sont contaminées par le virus concerné ou si elles ne sont pas rétablies à la suite d’une contamination par le virus.
Se pose évidemment, dans le troisième cas prévu par la loi, la question de savoir si le statut sérologique d’une personne issu de sa vaccination est susceptible d’être considéré comme un état de santé.
A l’évidence, on doit répondre à cette question par l’affirmative car le législateur a estimé qu’une personne vaccinée peut bénéficier de l’accès à certains lieux et services parce qu’elle peut être considérée comme a priori moins contaminante et contaminable, donc en meilleur état de santé.
Il est à cet égard assez étonnant que le Conseil constitutionnel dans son examen de la loi du 5 août 2021 (4) se soit contenté d’affirmer que « le contrôle de la détention d’un des documents nécessaires pour accéder aux lieux, établissements, services ou événements ne peut être réalisé que par les forces de l’ordre ou les exploitants de ces lieux, établissements, services ou événements. Sa mise en œuvre ne saurait s’opérer qu’en se fondant sur des critères excluant toute discrimination de quelque nature que ce soit entre les personnes », sans expliquer en quoi le fait d’interdire l’accès à certain lieux et services pour des motifs de santé ne serait pas discriminatoire.

Pourtant, on peut lire à l’article 225-1 du code pénal issu à l’origine de la loi du 12 juillet 1990 : « constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques sur le fondement notamment de leur état de santé » (5).
Commettre une telle discrimination expose à des peines de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende lorsqu’elle consiste notamment à refuser la fourniture d’un bien ou d’un service ou à subordonner la fourniture d’un bien ou d’un service à une condition fondée sur l’état de santé.
En outre lorsque le refus discriminatoire est commis dans un lieu accueillant du public ou aux fins d’en interdire l’accès, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende (6).
Or c’est précisément ce qu’ordonne le décret n°2021-1059 du 7 août 2021 qui impose de présenter le résultat d’un examen de dépistage, d’un test ou d’un autotest un justificatif du statut vaccinal ou un certificat de rétablissement pour accéder à de très nombreux lieux et services y compris à des lieux accueillant du public (7).

La restriction de l’accès aux services de santé… pour des raisons de santé

Les mêmes conditions (présentation du résultat d’un examen de dépistage, d’un test ou d’un autotest, d’un justificatif du statut vaccinal ou d’un certificat de rétablissement) subordonnent l’accès aux services et établissements de santé, sociaux et médico-sociaux, pour l’accueil, sauf en situation d’urgence et sauf pour l’accès à un dépistage de la covid-19, des personnes accueillies dans les établissements et services de santé pour des soins programmés (8).
De la même façon est interdit dans ces services et établissements de santé, sociaux et médico-sociaux l’accès des personnes accompagnant celles accueillies dans ces services et établissements ou leur rendant visite à l’exclusion des personnes accompagnant ou rendant visite à des personnes accueillies dans des établissements et services médico-sociaux pour enfants.

Pourtant l’article L1110-3 du code de la santé publique proclame qu’aucune personne ne peut faire l’objet de discriminations dans l’accès à la prévention ou aux soins.
Son décret d’application qui date d’octobre 2020 précède de quelques mois l’entrée en vigueur du laisser-passez sanitaire en août 2021 (9).
Il est édicté en pleine crise sanitaire.
Il rappelle que constitue un refus de soins discriminatoire, au sens de l’article L. 1110-3 du code de la santé publique, toute pratique tendant à empêcher ou dissuader une personne d’accéder à des mesures de prévention ou de soins, par quelque procédé que ce soit et notamment par des obstacles mis à l’accès effectif au professionnel de santé ou au bénéfice des conditions normales de prise en charge financière des actes, prestations et produits de santé, pour l’un des motifs de discrimination mentionnés aux articles 225-1 et 225-1-1 du code pénal à savoir notamment l’état de santé.

La question se pose donc de savoir si la restriction d’accès aux services médicaux pour les personnes non-titulaires d’un laisser-passer sanitaire est une pratique tendant à empêcher ou dissuader une personne d’accéder à des mesures de prévention ou de soins qui serait susceptible de constituer un refus de soins discriminatoire, au sens de l’article L. 1110-3 du code de la santé publique.

Le Conseil constitutionnel s’est limité sur ce point à affirmer (dans sa décision sur la loi du 5 août 2021) que « le législateur a réservé l’exigence de présentation d’un ‘passe sanitaire’ aux seules personnes accompagnant ou rendant visite aux personnes accueillies dans ces services et établissements, ainsi qu’à celles qui y sont accueillies pour des soins programmés.
Ainsi, cette mesure, qui s’applique sous réserve des cas d’urgence, n’a pas pour effet de limiter l’accès aux soins
 », semblant considérer curieusement qu’il ne pouvait y avoir de soins qu’urgents.

La réalité d’août 2021 semble donc, du moins d’un point de vue juridique, être à l’opposé de celle d’octobre 2020 étant précisé que le décret d’octobre 2020 relatif aux refus de soins discriminatoires n’a pas été explicitement abrogé par les mesures prises en août 2021, pas plus que n’a évidemment été abrogé l’article 225-1 du code pénal issu à l’origine  de loi du 12 juillet 1990 relative à la protection des personnes contre les discriminations en raison de leur état de santé ou de leur handicap.

Du VIH au Covid : le grand télescopage législatif

Il faut rappeler que cette loi de 1990 a été prise dans le contexte de l’épidémie de SIDA qui faisait au début des années 1990 chaque année un nombre de morts équivalent à bien plus de 50% des nouveaux cas diagnostiqués (10) alors que, en ce qui concerne l’épidémie du nouveau coronavirus de 2020, ce ratio en moins de dix-huit mois d’épidémie se situe à 1,75% (11).
C’est pourquoi les propos tenus en séance publique à l’Assemblée nationale lors des débats qui ont précédé l’adoption de la loi de 1990 toujours en vigueur par le biais de l’article 225-1 du code pénal laissent songeur.
Le ministre de la santé affirmait alors qu’il ne saurait être question de créer un fichier des personnes contaminées par le virus de l’immunodéficience humaine et fustigeait  la législation américaine prévoyant le fichage des séropositifs (12) alors qu’en 2020 ont été créés le système d’informations de dépistage (13) qui contient tous les résultats des laboratoires de tests Covid-19 et le fichier dénommé « Contact Covid » (14), qui permet de recueillir et de traiter des données personnelles relatives à chaque personne considérée comme « contact à risque de contamination », qu’il s’agisse d’un « cas contact ou d’une personne co-exposée ».
De la même façon, en 1990, la rapporteuse du projet de loi relatif à la protection des personnes contre les discriminations en raison de leur état de santé ou de leur handicap s’opposait en deuxième lecture à l’assemblée nationale à un article introduit par le Sénat.
Cet article voulait empêcher la répression des discriminations à l’égard des personnes malades lorsque les faits discriminatoires sont conformes aux mesures prises en application de divers articles du code de la santé publique relatifs à la prévention et à la lutte contre les maladies transmissibles. « Même si la portée exacte de cet article est difficile à apprécier, il nous a paru clair qu’il contenait des dispositions tout à fait contraires à l ‘esprit du projet de loi puisqu’il vise, semble-t-il, à permettre aux autorités publiques de prendre des mesures discriminatoires fondées sur l’état de santé des personnes concernées » déclarait la députée Denise Cacheux (15).

En conclure qu’en trente ans tout a changé serait cependant hâtif et inexact : les lois et décrets qui interdisent et sanctionnent (y compris par des peines d’emprisonnement) le fait de subordonner la fourniture d’un bien ou d’un service à une condition fondée sur l’état de santé sont toujours en vigueur et ce en dépit des dispositions de la loi du 5 août 2021 qui permettent de rendre obligatoire une telle discrimination. C’est une contradiction majeure.

 

Notes

(1) Résolution adoptée par l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies le 8 juin 2021 [sans renvoi à une grande commission (A/75/L.95)] 75/284

(2) La loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire exige pour l’accès à ces lieux ou services « la présentation soit du résultat d’un examen de dépistage ne concluant pas à une contamination par la covid‑19, soit d’un justificatif de statut vaccinal concernant la covid‑19, soit d’un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la covid‑19 ».

(3) Le nom masculin passe en français est, selon le dictionnaire de l’Académie française, le synonyme familier de passe-partout. Il ne saurait donc désigner un document ou un dispositif dont le but est précisément de prohiber l’accès de certaines personnes à certains lieux sauf à considérer que la dystopie orwellienne est devenue réalité (cf. la devise du Parti dans 1984 : la guerre, c’est la paix, la liberté c’est l’esclavage…).  Un laisser-passer selon le dictionnaire de l’Académie française est en revanche un titre autorisant quelqu’un à pénétrer et circuler dans un endroit déterminé.

(4) Décision n° 2021-824 DC du 5 août 2021.

(5) Loi n° 90-602 du 12 juillet 1990 relative à la protection des personnes contre les discriminations en raison de leur état de santé ou de leur handicap.

(6) Article 225-2 du code pénal.

(7) Le décret n°2021-1059 du 7 août 2021 impose de présenter le résultat d’un examen de dépistage, d’un test ou d’un autotest un justificatif du statut vaccinal ou un certificat de rétablissement pour accéder notamment :

– aux salles d’auditions, de conférences, de projection, de réunions, de spectacles ou à usages multiples,

– aux chapiteaux, tentes et structures, aux salles de jeux et salles de danse, aux établissements à vocation commerciale destinés à des expositions, des foires-expositions ou des salons ayant un caractère temporaire,

– aux établissements de plein air comme les terrains de sport, les stades, les pistes de patinage, les piscines en plein air, les arènes, les hippodromes, dont l’accès fait habituellement l’objet d’un contrôle,

– aux salles omnisports, d’éducation physique et sportive, aux salles sportives spécialisées, aux patinoires, aux manèges,

– aux piscines couvertes, dont l’accès fait habituellement l’objet d’un contrôle,

– aux musées et salles destinées à recevoir des expositions à vocation culturelle ayant un caractère temporaire,

– aux bibliothèques et centres de documentation,

– aux événements culturels, sportifs, ludiques ou festifs organisés dans l’espace public ou dans un lieu ouvert au public et susceptibles de donner lieu à un contrôle de l’accès des personnes,

– aux compétitions et manifestations sportives soumises à une procédure d’autorisation ou de déclaration et qui ne sont pas organisées au bénéfice des sportifs professionnels ou de haut niveau,

– aux fêtes foraines comptant plus de trente stands ou attractions,

– aux restaurants, débits de boissons, restaurants d’altitude et, pour leur activité de restauration et de débit de boissons, aux établissements flottants et hôtels,

– aux magasins de vente et centres commerciaux, comportant un ou plusieurs bâtiments dont la surface commerciale utile cumulée calculée est supérieure ou égale à vingt mille mètres carrés, sur décision motivée du représentant de l’Etat dans le département,

– aux foires et salons professionnels ainsi que, lorsqu’ils rassemblent plus de cinquante personnes,

– aux séminaires professionnels organisés en dehors des établissements d’exercice de l’activité habituelle,

– aux déplacements de longue distance par transports publics.

(8) Le décret n°2021-1059 du 7 août 2021 prévoit toutefois la possibilité de déroger à cette règle par décision du chef de service ou, en son absence, d’un représentant de l’encadrement médical ou soignant, quand l’exigence des justificatifs constitutifs du laisser-passer sanitaire est de nature à empêcher l’accès aux soins du patient dans des délais utiles à sa bonne prise en charge.

(9) Décret n° 2020-1215 du 2 octobre 2020 relatif à la procédure applicable aux refus de soins discriminatoires et aux dépassements d’honoraires abusifs ou illégaux.

(10) « Le sida 20 ans après », Actualité et dossier en santé publique, n° 40 septembre 2002.

(11) Chiffres clés en France au 12/08/2021, publiés par Santé publique France.

(12) Assemblée Nationale – séance du 17 avril 1990.

(13) Ce fichier a été institué par l’article 8 du décret n° 2020-551 du 12 mai 2020 relatif aux systèmes d’information mentionnés à l’article 11 de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions.

(14) Ce fichier a été institué par l’article 1er du décret n° 2020-551 du 12 mai 2020 relatif aux systèmes d’information mentionnés à l’article 11 de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions.

(15) Assemblée Nationale – 2e séance du 19 juin 1990.

Surveiller et punir en pandémie

Surveiller et punir en pandémie

Il est temps de relire les quelques pages que le philosophe Michel Foucault consacrait à la gestion politique des épidémies. La réalité biologique du coronavirus n’est pas la seule à agir sur les corps. Les réflexions de Michel Foucault dégagent deux modalités combinables de politiques sécuritaires qui disciplinent les corps et semblent se réaliser aujourd’hui dans le contexte politico-sanitaire.

 

Épisode 60

Par Nicolas Guérin, Maître de conférences (HDR) en Psychologie à Aix-Marseille Université

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Il est désormais impossible de rester indifférent à la redoutable actualité de la première partie du chapitre III de l’ouvrage de Michel Foucault paru chez Gallimard en 1975, Surveiller et punir, concernant la gestion des épidémies. « Redoutable actualité » car, bien que l’ouvrage de Foucault date de plus de 40 ans, qu’il porte lui-même sur des phénomènes sociaux vieux de plusieurs siècles (les épidémies de peste surtout) et qu’il dresse le portrait d’une société disciplinaire qu’on croirait disparue, voire franchement  dystopique, il est difficile de manquer ce en quoi les dispositifs disciplinaires et sécuritaires décrits par le philosophe se réalisent, au moins en France, dans le contexte sanitaire que nous connaissons aujourd’hui.

La thèse de Foucault concernant la gestion politique des épidémies n’est pas une théorie du complot. Foucault ne dit pas, par exemple, qu’un virus est fabriqué quelque part par des classes dominantes pour nourrir un dessein caché, comme celui d’asservir les populations par le biais d’une politique sanitaire autoritaire. L’idée de Foucault, résumée à grands traits, est plutôt que l’exercice du pouvoir peut trouver son plein accomplissement à l’occasion d’une épidémie. Comme si un lien organique existait entre la mécanique du pouvoir politique et le processus labile et instable de l’épidémie de sorte que, lorsque l’un et l’autre se rencontrent, le pouvoir lui-même mutait, semblable à un virus, pour finalement s’exercer dans une forme virulente, à la fois disciplinaire et sécuritaire.

Je ferai deux remarques et poserai une question, que j’adresse ici à la cantonade. Pour ce faire, je m’appuierai toujours sur ce qui me semble être le plus crucial parmi les remarques de Foucault sur la gestion des épidémies, tant ces quelques pages méritent de faire office pour nous tous de piqure de rappel, si j’ose dire.

Rêve politique d’épidémie et microphysique du pouvoir cellulaire

Première remarque : tout en décrivant le type de gestion sanitaire des épidémies de peste en Europe, Foucault rappelle qu’il « y a eu autour de la peste toute une fiction littéraire de la fête » (1) où les individus se démasquent et où les corps se mélangent sans respect ni distance, comme c’est aussi le cas dans les révoltes ou les émeutes. Bakhtine (2) soutient une idée voisine en remarquant que le corps à corps dans les scènes de carnaval chez Rabelais opère une rupture dans les semblants de l’ordre féodal (3). Mais Foucault ajoute que cette fiction littéraire de la fête autour de la peste trouve son envers dans « un rêve politique de la peste » (4) qui lui, au contraire, vise une société sectionnelle en séparant les corps pour appliquer ce que Foucault appelle ailleurs joliment (dans un chapitre intitulé non moins joliment « Les corps dociles ») une microphysique du pouvoir cellulaire (5). Chaque individu y est contrôlé, caractérisé pour lui-même et la multiplicité des individus y est mise en ordre. Au désordre de la fête et au mélange des corps dans l’épidémie, s’oppose « la discipline [faisant] valoir son pouvoir qui est d’analyse » (6) : « non pas la fête collective mais les partages stricts ; non pas les lois transgressées, mais la pénétration du règlement jusque dans les plus fins détails de l’existence et par l’intermédiaire d’une hiérarchie complète qui assure le fonctionnement capillaire du pouvoir » (7). Or cet envers et cet endroit résonnent aujourd’hui avec la méfiance, voire la criminalisation, du gouvernement à l’égard des rassemblements festifs des jeunes essentiellement.

Seconde remarque : Foucault distingue là, dans un contexte sanitaire d’inquiétude et d’égarement, deux modalités d’exercice du pouvoir dans une société disciplinaire. L’une est calquée sur la gestion de la peste. Elle génère des séparations multiples et procède par « quadrillage tactique » (8) de la population, comme ce peut être le cas aujourd’hui avec l’extension du « passe sanitaire » et les procédures de contrôle corrélatives appliquées à quasiment tous les domaines de la vie sociale et probablement professionnelle. L’autre modalité d’exercice du pouvoir est quant à elle calquée sur le modèle de la gestion de la lèpre. Elle se fonde sur l’exception comme condition de l’universel. Elle procède par l’exil et l’exclusion. Sa logique est binaire et son idéal est celui d’une « communauté pure » (9) comme c’est le cas maintenant avec le clivage de la population entre individus vaccinés versus individus non-vaccinés, la stigmatisation et l’ostracisation calculée des non-vaccinés réglées sur l’idéal d’un monde pur, immunisé, et purgé à jamais du virus et de ses variants.

Enfin Foucault souligne, et c’est précieux, que ces deux modalités d’exercice du pouvoir disciplinaire et sécuritaire, soit le quadrillage tactique d’une part, et l’exclusion d’autre part, ne sont pas incompatibles et qu’elles se combinent à partir du XIXéme siècle.

La question qui s’impose est la suivante : ne doit-on pas penser que nous assistons aujourd’hui, en France du moins, à la résurgence et au développement de ces deux modèles politiques disciplinaires ainsi qu’à leur combinaison ? Si tel est bien le cas, une structure combinée de dispositifs disciplinaires se répète et nous assistons, avec notre politique sanitaire, à un phénomène qui n’est pas aussi inédit qu’on a tendance à le dire. Il faudrait néanmoins compliquer les observations de Foucault avec les traits spécifiques de notre époque qui participent et renouvèlent la microphysique du pouvoir cellulaire : des enjeux socio-économiques colossaux et le traitement viral de l’information par les réseaux sociaux qui relaient les axiomes du pouvoir gouvernemental, influencent le milieu journalistique mais qui agissent aussi probablement, à leur tour, sur une partie des décisions politiques elles-mêmes.

Et si ce n’est pas une métaphore que de dire avec Foucault que les « rapports de pouvoir passent à l’intérieur des corps » (10), il faudra être attentif aux effets subjectifs des variants combinatoires plus ou moins raffinés de ces deux modalités de politique sécuritaire, dans le réel de chacun.

 

Notes

(1) M. Foucault, (1975), Surveiller et punir, tel Gallimard, Paris, p. 231.

(2) M. Bakhtine, (1970), L’œuvre de François Rabelais et la culture populaire au Moyen Age et sous la Renaissance, tel Gallimard, Paris.

(3) Notons au passage qu’au moment des manifestations dites des « gilets jaunes », certains médias avaient eu l’intuition du phénomène social épidémique et contagieux, impliquant le corps, en qualifiant ce mouvement contestataire de « fièvre jaune ». Voir entre autres : L’Humanité, Le Point et La Provence.

(4) M. Foucault, op. cit., p. 231.

(5) Ibid., p. 175.

(6) Ibid., p. 231.

(7) Ibid., p. 231.

(8) Ibid., p. 231.

(9) Ibid., p. 232.

(10) Entretien de M. Foucault avec L. Finas, « Les rapports de pouvoir passent à l’intérieur des corps », Dits et écrits II, Quarto Gallimard, 2001, pp. 228-236.

La vaccination Covid à l’épreuve des faits

La vaccination Covid à l’épreuve des faits. 2ème partie : une mortalité inédite

30 juillet 2021
Par Laurent MUCCHIELLI (sociologue, directeur de recherche au CNRS), Hélène BANOUN (pharmacien biologiste, PhD, ancienne chargée de recherches à l’INSERM), Emmanuelle DARLES (maîtresse de conférences en informatique à Aix-Marseille Université), Éric MENAT (docteur en médecine, médecin généraliste), Vincent PAVAN (maître de conférences en mathématique à Aix-Marseille Université) & Amine UMLIL (pharmacien des hôpitaux, praticien hospitalier, unité de « pharmacovigilance/CTIAP (centre territorial d’information indépendante et d’avis pharmaceutiques)/Coordination des vigilances sanitaires » du Centre hospitalier de Cholet).

Contact : laurent.mucchielli@protonmail.com

A retrouver ici : https://www.francesoir.fr/opinions-tribunes/la-vaccination-covid-lepreuve-des-faits-2eme-partie-une-mortalite-inedite

La vaccination à l’épreuve des faits. 1ère partie : les chiffres de l’épidémie :

https://blogs.mediapart.fr/laurent-mucchielli/blog/200721/la-vaccination-l-epreuve-des-faits-1ere-partie-les-chiffres-de-l-epidemie

Publications précédentes de Laurent Mucchielli :

Entretien avec Christian Vélot, président du Comité scientifique du CRIIGEN  https://blogs.mediapart.fr/laurent-mucchielli/blog/080721/covid-19-vaccins-experimentaux-strategie-vaccinale-entretien-avec-christian-velot